15 octobre 2007

Cendrillon


De la lecture du dernier livre d'Eric Reinhardt, ce qui est certain, c'est que l'on en ressort pas indifférent. Tour à tour détestable, brillant, ennuyeux, haletant. S'agissant de cet épais roman, la palette des impressions semble y passer. Et si c'est de certitudes dont il est question, il en est au moins une, c'est que Cendrillon est un livre déroutant. D'ailleurs, sa structure suffit à s'en convaincre.

Dans ce roman, alternent diverses histoires. Trois, précisément. Celles de trois personnages liés par un passé commun. Ou plutôt, pour être plus exact, devrait-on raisonner en sens inverse. C'est plutôt d'une histoire initiale commune qu'il s'agit, elle-même se distinguant en trois suites distinctes. Et le tronc commun est une famille assez paisible, semblable à de nombreuses autres, provinciale, puis banlieusarde. Il reste que la figure centrale est celle du père, un père qu'on ne peut s'empêcher de trouver pathétique, tant il lui est difficile, au gré des emplois qu'il occupe, de s'affirmer. Impossible modèle pour le fils, qui prendra , suivant les évènements, un tour différent. Au premier, Thierry Trockel, échouera cette vie banale, tout juste troublée par une vie sexuelle pour le moins particulière, et à laquelle Internet semble prendre une part importante. Du deuxième, les circonstances de la vie en feront un pervers psychopathe, développant une animosité hystérique à l'endroit du monde extérieur, et véritable bourreau de son entourage. Quant au troisième, Laurent Dahl, il semblait voué à l'existence tranquille d'un petit financier de bureau. Bien au contraire, il suivra le chemin d'un de ces traders mégalomanes et hallucinés, et devint rapidement l'une des stars de la finance internationale. Grandeur et décadence d'un spéculateur, le schéma est bien connu.

Le roman ne s'arrête pas là. De la terrasse du Nemours, ce café de la place Colette, viennent s'y superposer les pensées et autres émois du narrateur, au cours desquels il se laisse aller à de trop longues digressions quant à l'automne, à l'esplanade du Palais-Royal. Et en filigrane, toujours, une histoire au centre de laquelle évolue sa voisine du quatrième, une histoire de conférence à Gênes, un peu mystérieuse.

Au-delà de cet imbroglio de récits, dont on passe, sans cesse, de l'un à l'autre, au risque d'ailleurs de s'y perdre, que dire de l'ouvrage d'Eric Reinhardt? Qu'il fourmille de clichés, d'images d'Epinal parfois trop convenues? Assurément. Mais qu'Eric Reinhardt est un écrivain, un vrai, et que Cendrillon est un bon roman? Là encore, c'est certain. A le lire, la prose est riche et nourrie, il est réellement porteur d'un style, de choix clairement assumés. C'est d'ailleurs un parfait héraut de cette littérature française contemporaine. C'est peut-être pour cette raison que, malgré tout cela, l'on ressort tout de même peu convaincu. Peut être parce qu'après tout, tout le monde ne peut s'éprendre de ce courant littéraire aujourd'hui répandu, riche de propos d'une acerbe crudité, et dont on a du mal à en définir les traits. Pourtant, il existe. Et ne plaît pas toujours.

Alors, objectivement, Cendrillon est un bon roman. Il faut bien le constater. Mais de ceux dont nécessairement, la réception sera ambivalente et partagée. Ici, il n'a pas pris. Il aurait pu en être autrement. Quoique.


Eric Reinhardt, Cendrillon, Stock, 2007, 577 pages, 24 €

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