3 octobre 2007

Kafka sur le rivage




Au début, on se dit que les premières lignes qui se déploient sous nos yeux ne sont que le reflet des divagations improbables d’un cerveau malade.
On cherche en vain une cohérence, une structure qui nous permettent de comprendre où est-ce que l’auteur veut nous emmener. Un adolescent mal dans sa peau qui converse avec un garçon nommé Corbeau, un vieillard simple d’esprit qui discute avec ses amis les chats... La perplexité le dispute à l’ennui.
Murakami saute du coq à l’âne sans crier gare et on pense qu’on ne va certainement pas tarder à laisser gentiment ce livre retourner dans les tréfonds de l’oubli, parce que, franchement, on n’a pas que ça à faire.
Mais petit à petit, sans véritablement le vouloir et même à son corps défendant, on se laisse happer par l’histoire. Dans ce monde qui est le nôtre, on découvre les contrées obscures de l’inconscient qui sommeille en chacun de nous.
L’écriture est dépouillée, naïve, mais elle reste pourtant d’une efficacité redoutable. Elle est l’instrument du récit, le mettant magnifiquement en relief et lui permettant ainsi de déployer toute sa puissance.
« Kafka sur le rivage » est un diamant brut, un conte initiatique qui nous est raconté avec un onirisme aussi déroutant que délicieux et une poésie qui se retrouve à chaque page. Une fois que Murakami nous tient solidement prisonniers entre ses griffes, on ne perd plus le fil, on est entraîné avec fracas dans un univers parallèle où l’impossible n’existe pas.
C’est ici que réside la grande force de ce livre, dans la capacité de l’auteur à faire de l’extraordinaire un événement banal en nous plongeant dans la tête de ses deux héros.
Grâce à Kafka et Nakata, dont les aventures sont pourtant a priori un non-sens complet, on comprend qu’aucun acte, absolument aucun, n’est absurde à partir du moment où il correspond à une quête. Chacun poursuit un but à sa manière et sa poursuite peut parfois être le but lui-même.
A la fin, une fois que le dos du livre se referme définitivement sur les dernières lignes, on se dit qu’à bien y réfléchir, le cerveau malade n’est pas toujours celui que l’on croit...

Haruki MURAKAMI, Kafka sur le rivage, éditions Belfond, 2005, 618 pages, 21,85 €

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