16 octobre 2007

On ne badine pas avec l'amour

Pièce en trois actes écrite en 1834 et jouée pour la première fois en 1861 à la Comédie Française, « On ne badine pas avec l’amour » est un texte d’une beauté et d’une finesse remarquable, dans lequel de Musset déploie les grands thèmes de sa poésie lyrique: l’amour, la souffrance, la mort, le tout servi par d’excellents comédiens dans une mise en scène efficace et moderne, à travers un décor dépouillé.

Perdican, de retour chez lui après plusieurs années d’absence au cours desquelles il a mené de brillantes études, retrouve Camille, sa cousine, mais aussi sa promise; celle-ci le rejette par crainte d’aimer, par crainte de souffrir. Ses années passées au couvent ont profondément modifié sa vision de l’Amour et des hommes, perçus comme un danger auquel elle refuse de s’exposer. Perdican, passionnément épris de Camille, se livrera à des machinations destinées à faire naître l’envie, la jalousie, en « jouant » les séducteurs auprès de sa sœur de lait, Rosette, qui symbolise l’être pur et naïf et qui ne pourra survivre à l’écroulement des illusions dont elle s’était bercées.

On pourrait croire que l’auteur de Lorenzaccio condamne pareilles machinations, qu’il met en garde ceux qui considèrent les sentiments amoureux avec légèreté, mais en réalité il n’en a cure; bien au contraire, l’Amour est souvent à ce prix, l’Amour est souvent indissociable de la notion de souffrance, et c’est peut être même à cela qu’on reconnaît qu‘il a été. De Musset l’exprime à travers Perdican: « J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelque fois; mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice crée par mon orgueil et mon ennui ».

La légèreté n’est cependant pas absente de cet ensemble Shakespearien. Des personnages burlesques incarnés par les prêtres, les paysans, ou Mme Pluche, la gouvernante de Camille, sont mis en scène avec beaucoup de dérision. C’est d’ailleurs un homme, le très convaincant Olivier Hémon, qui prête sur scène ses traits au personnage de Mme Pluche, choix audacieux du metteur en scène Philippe Faure, qui a pris le risque de s’exposer aux foudres des partisans du théâtralement correct criant à la mutilation de l’œuvre. La surprise vient aussi d’un décor des plus sommaire, se réduisant à une simple parcelle de prairie, dépourvue de fontaine que l’on serait en droit d’attendre si l’on s’en réfère au texte, de portes qui claquent, d‘éléments distinctifs de la bourgeoisie de l‘époque,… rien de tout cela n’est représenté sur scène, et qu’importe! On n’en est que plus absorbé par le jeu des comédiens, habités par leur personnage, et réussissant le tour de force de faire vivre cette scène vide en costumes sombres, tantôt kitch, tantôt contemporains.

On ne badine pas avec l’amour, mise en scène de Philippe Faure, au TAPS Scala à Strasbourg du 11 au 14 octobre 2007; du 13 au 22 novembre 2007 au Théâtre de la Croix-Rousse de Lyon.

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