21 octobre 2007

Un roi sans lendemain


De Louis XVII, on reconnaîtra bien volontiers que tout semble avoir été dit. Sur ce dauphin au destin tragique, c'est effectivement plus de cent cinquante livres, avec plus ou moins de bonheur selon les livraisons, qui lui ont été consacrés. Et, naturellement, compte tenu du caractère épique de la situation, de nombreuses hypothèses, certaines des plus farfelues, ont été échafaudées au cours de l'histoire. Depuis deux siècles, bientôt trois, inlassablement, le sort de celui qui fut enfermé, avec sa famille dans la sordide prison du Temple, puis ensuite confié aux mains du cordonnier Simon, a été source de moults élucubrations. Assassiné, enlevé, réapparu; on a tout dit, tout soutenu.

L'excellent ouvrage de Christophe Donner, loin de s'ajouter inutilement à cette pile de contributions, y apporte une surcroît indéniable de qualité. L'histoire de ce "roi sans lendemain" y est narrée par le menu, avec brio, sans jamais que l'attention du lecteur ne puisse défaillir. Livre d'histoire tout en étant le livre d'une histoire, celle d'un enfant victime des transformations de son époque, l'écrivain apporte un regard neuf et bienvenu sur ce pan si particulier de notre passé.

La trame narrative qui sous-tend l'ensemble du roman est assez simple et n'est, après tout, qu'un prétexte. Henri Norden, écrivain de renom, se voit confier la rédaction du scénario d'un film qu'une productrice entend consacrer à la vie du jeune fils de Louis XVI. Norden lit, recherche, écrit, et progressivement s'imprègne du personnage. Et parallèlement, l'écrivain tombe amoureux d'une séduisante animatrice d'émissions littéraires. Mais l'histoire d'Henri Norden s'efface bien vite au profit de celle du jeune Bourbon. A telle enseigne d'ailleurs que les brèves incursions qui s'étiolent au fil des pages nous rappellent tout de même les raisons qui nous ont menées là. Elle s'efface bien vite, certes, mais il faut s'en féliciter.

Avec frénésie, on découvre donc la courte vie de Louis XVII. Mais c'est sous un angle nouveau, une perspective jusque lors peu travaillée qu'elle se déroule. Norden s'entiche d'Hébert, qu'il tient pour principal responsable de la mort du royal prisonnier. Hébert le virulent, le sanguinaire, le radical, le chef de fil des sans-culottes, l'un des principaux responsables des massacres de septembre 1792. Hébert le journaliste, l'animateur du Père Duchesne, ce journal quasi satirique dont les articles assassins émaillaient la vie politique révolutionnaire. Tout jeune, il fut chassé d'Alençon. C'est à Paris qu'il prit sa revanche, développant une haine obsessionnelle à l'encontre de la famille royale. Et Donner/Norden de nous faire découvrir là un personnage essentiel à son destin, et plus généralement à la compréhension de la tourmente de l'époque. Un personnage qui participa grandement au sort du dauphin.

C'est ainsi que progressivement un roi sans lendemain se mue en une délicate biographie croisée d'Hébert et de Louis XVII, dont le courage du dernier semble avoir forcé l'admiration de l'auteur. Et toujours, sous cet alibi du roman qui en atténue les éventuels travers encyclopédiques. On est donc fort loin de ces pâles romans historiques qui fleurissent actuellement. Un roi sans lendemain est autre chose. Bien meilleur. Et c'est tant mieux.

Christophe DONNER, Un roi sans lendemain, Grasset, 2007, 378 pages, 20,90 €

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