Mario Vargas Llosa est un grand écrivain, l'un des acteurs majeurs de la scène littéraire contemporaine. Sans doute d'ailleurs y excelle t'il plus qu'au sein du paysage politique de son pays d'origine. Et s'il fallait une preuve pour s'en convaincre, "Le Paradis - un peu plus loin" remplirait sans difficulté cette mission toutefois inutile.
C'est assurément un livre d'exception que celui-ci. Livre d'exception, parce qu'il choisit de nous faire pénétrer dans l'intime, dans le psychologique, dans l'analytique, de deux personnes, elles-mêmes d'exception. Rien de moins que Paul Gauguin et sa grand-mère, Flora Tristan. Et toute l'ambition de l'ouvrage est là, retracer les quelques mois, chaotiques pour les deux, qui précèdent la fin de chacun. 1803 - 1903, cent ans les séparent.
Magistral. Ni vraiment un roman, ni vraiment une biographie, "le Paradis - un peu plus loin" est les deux à la fois, mâtiné d'un talent de conteur rarement égalé et d'une érudition sans faille.
L'un des personnages, Paul Gauguin naturellement, est plus connu. La fin de sa vie, assez misérable, certainement moins. Son passé d'agent de change, ses étâts d'âmes, son rapport particulier à la sexualité, tout cela étonne. Gauguin énerve, on enrage. Mais, c'est plein d'admiration devant la puissance du personnage, devant l'entêtement jusqu'au-boutiste du peintre des Iles Marquises qu'on referme le livre de Mario Vargas Llosa.
Le véritable exploit de l'auteur péruvien est sans doute d'avoir ressuscité Flora Tristan. Née princesse d'une famille espagnole installée au Pérou, mais issue d'une union invalide, cette belle andalouse finira enserrée dans le corset d'un mariage minable, battue par son mari, un médiocre graveur répondant au nom d'André Chazal. Douée d'une force de caractère sans précédent, elle s'en déliera, tant bien que mal, à la mesure de ses moyens, fuyant le tragique de son existence. Voyage au Pérou, ensuite, pour y retrouver sa famille, dont elle tirera un livre exceptionnel. Retour à Paris, enfin. Elle se sensibilise aux idées de Fourier et d'autres, écrit, voyage et développe le projet d'une "union ouvrière". Ce sont les derniers mois de son périple que relate l'écrivain d'Arequipa. Ces mois de propagande entre Auxerre, Lyon, Marseille et Bordeaux, alors pourtant même que sa santé était au plus mal.
Féministe, paria, ouvriériste, humaniste, absolutiste, Flora Tristan était tout cela, un destin hors normes, dotant ainsi Paul Gauguin d'un patrimoine génétique considérable. Et c'est ce que nous rappelle Mario Vargas Llosa, dans un récit émouvant et passionnant, certainement l'un de ses meilleurs.
Mario Vargas Llosa, Le Paradis - un peu plus loin, éditions Gallimard, 2003, 531 pages, 25 €
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