2 septembre 2007

Lucky Boy


Walter Mosley est l'un des écrivains préférés de Bill Clinton. A ce titre, au moins, mérite-t-il que l'on s'y intéresse de plus près. Pourtant, son dernier roman n'a vraiment rien d'extraordinaire, et l'on se prend peut-être à espérer que Mosley s'en retourne aux séries de policiers qu'il affectionnait et dans lesquelles il excellait.


L'histoire de Lucky Boy, si elle fourmille de clichés, est singulière, il est vrai. Au commencement était un médecin de Beverly Hills et une fleuriste des quartiers défavorisés de Los Angeles. Lui, Minas Nolan, est blanc, et vient de perdre sa femme alors qu'elle mettait au monde leur unique enfant, Eric. Elle, Branwyn Beerman, est noire et passe son temps à l'hôpital où travaille Nolan, au service de soins intensifs, attendant que son nouveau-né, Thomas, si chétif, soit hors de danger. Et ce qui devait arriver se produisit, Nolan rencontra Branwyn. Ils tombèrent amoureux, du moins lui. Elle s'installa dans la villa cossue du chirurgien et les deux enfants furent élevés ensemble. Et à côté de l'histoire des deux adultes, c'est surtout l'histoire des deux garçons qui, rapidement, devinrent inséparables. Cependant, tout va s'effondrer. Branwyn va décéder, Thomas sera extirpé de ce foyer par son père biologique, un alcoolique criard et violent, et séparé de son frère.


Là, les choses sérieuses commencent réellement. Là, se déploie la thèse, intéressante, de Mosley. Les deux cent pages restantes, ce sont les tribulations de l'un, les pérégrinations de l'autre, l'un ayant toujours une pensée pour l'autre. Il reste que leurs destins seront foncièrement différents. A Eric, tout sourira. A Thomas, absolument rien. Eric serait dangereux; doué d'une chance hors normes, ce qui lui arrive d'exceptionnel produirait des dégâts collatéraux sur la vie de ceux qu'il aime. Progressivement d'ailleurs, il en prendra conscience. Quant à Thomas, il connaît vraiment la misère. Rien ne lui est épargné. Pourtant, il traverse. Assurément, c'est un rescapé.


Le tableau est maintenant brossé. Le résultat: un roman plat, larmoyant, aux sentiments éculés et fort en poncifs sur la société américaine. La langue est terne, monotone. La galerie des personnages n'est pas achevée. De nombreux auraient pu être évités. Les dialogues ne brillent pas et on n'est jamais vraiment surpris par le fil de l'histoire. On sait bien que tout aurait pu se passer ainsi. On sait bien, comme l'indique la quatrième de couverture qu'avec ce livre, on découvre "un portrait subtil et dérangeant de l'Amérique des races et des classes". Mais, subtil, le mot est un peu fort. Ce n'est pas tellement que le destin de l'un et de l'autre soit si particulier. Malheureusement, dans l'Amérique d'aujourd'hui, cette discrimination dans la réussite est bien présente, à de nombreux niveaux. Il reste que l'imbrication des vies d'Eric et de Thomas semble forcée, irréelle. Plane un zeste d'irrationnel, pas forcément bienvenu. Une thèse intéressante, desservie par une forme décevante. Dans ce roman, on à peine à y rentrer. Dommage.


Walter Mosley, Lucky Boy, Editions Liana Levi, 2007, 332 pages, 21 €

1 commentaire:

Ignatus a dit…

Force est de constater que ce blog est bien fait! à défaut de forcer mon adhésion les commentaires y ont au moin le mérite de sembler sincères! c'est déjà beaucoup, continuez ainsi!