Au théâtre Antoine, ors et fauteuils rouges, foyer XIXe romantique, se joue Victor ou les enfants au pouvoir, cette pièce de Roger Vitrac, surréaliste de la première heure, si froidement reçue par la critique lorsqu'elle fut présentée en 1928. Ce n'est d'ailleurs qu'avec la mise en scène qu'en effectua Jean Anouilh, en 1962, au théâtre de l'Ambigu, que ce texte particulier connut une certaine célébrité. Et aujourd'hui, c'est au tour d'Alain Sachs de s'attaquer au précurseur du théatre de l'absurde, à ce prédécesseur de Ionesco. Le rôle titre, celui de Victor, est assuré par Lorant Deutsch.
Qu'en est-il du résultat? L'histoire est somme toute assez banale, tant on sait que Vitrac était fasciné par l'univers de l'enfance. C'est l'anniversaire de Victor que l'on fête. Il a neuf ans. Etrangement d'ailleurs, celui-ci n'a parmi ses invités qu'une seule compagne de son âge. Les autres, ce sont des adultes. Son père, sa mère, bien évidemment. Puis les parents de cette jeune camarade, dont la mère entretient des rapports plus que privilégiés avec le père de Victor, et dont le mari est un peu fou. Enfin, au nombre des convives, figure également un autre ami de la famille, un général. C'est donc, Victor au milieu d'un monde d'adultes, un enfant parmi les grandes personnes. Or, c'est bien tout le contraire. C'est plus sûrement un monde d'adultes autour de Victor. Victor est le centre, l'objet de toutes les attentions. Il domine. Et là où le bât blesse, c'est que Victor n'est précisément pas un enfant des plus aimables, ni des plus affables. Excessif, autoritaire, arrogant, cynique, bigrement intelligent, il flirte avec une certaine méchanceté, une méchanceté bien loin d'être enfantine.
La soirée, bien naturellement, dans ce vaudeville qui vire au tragique, ne sera pas de tout repos. Victor poussera à bout les uns, puis les autres. Tout s'emballe, tout explose. Et c'est un texte étrange que celui de Vitrac. Aux réparties absurdes, vides, s'entremêlent les saillies les plus acerbes, si pleines de sens. Un vrai festival de mots.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que le résultat, quant à la mise en scène, n'emporte pas la conviction. Les acteurs s'agitent, s'énervent, bien de trop. Le jeu est bon, certes, mais exténuant. On a peine à y entrer. Lorant Deutsch n'y est pas étonnant, bien loin de là, et force est de constater que le seul qui semble réellement s'en sortir est le mari trompé. Peut-être, au crédit des acteurs, est-ce la pièce de Vitrac qui veut cela. Sans doute est-elle difficile à jouer et il est indéniable que l'effort est fourni. Il reste qu'il n'y a rien là d'exceptionnel, et les longueurs ne sont pas évitées. Surtout d'ailleurs après l'entracte.
Mitigé. C'est dans cet état d'esprit que l'on ressort de cette pièce. Le texte est beau, la langue est jolie. Il reste que comme toujours, pour le théâtre de l'absurde, il est difficile d'accès. La mise en scène était donc confrontée à un défi d'envergure. A t'il été relevé? Rien n'est moins sûr.
Victor ou les enfants au pouvoir, Mise en scène d'Alain Sachs (Avec Lorant Deutsch, Christiane Millet, Philippe Uchan), du 6 septembre au 28 octobre 2007, Théâtre Antoine - Simone Berriau (14, boulevard de Strasbourg - 75010 PARIS)
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