25 septembre 2007

L'oeuvre


Plus qu'un roman, L'Oeuvre relate l'histoire d'une époque.

1874. Le peintre Claude Lantier se prépare pour le Salon des Refusés. Cette exposition paralèlle au salon officiel avait été organisée par Napoléon III, en réponse à l'injustice du jury quant à la sélection des oeuvres, elle-même fortement dénoncée par les artistes et les critiques. Le hasard place la jeune Christine sur le chemin de Claude. Prude et timide, fraîchement émoulue de sa province natale, sa fascination pour l'artiste la convainc à poser pour son grand projet, un nu féminin, dans une toile rappelant le scandaleux Déjeuner sur l'herbe de Manet, présenté à ce même salon. Claude pensait enfin y trouver la reconnaissance qui lui était due, mais encore une fois, il ne reçoit que rires et moqueries.

Toujours obsédé par la peinture, malgré la vie de misère qu'elle lui impose, Claude séduit Christine. Sur un coup de tête, les deux amants se décident à vivre une vie de bohème à la campagne, qui éloigne pour un temps le peintre de la vie parisienne et de son cercle d'amis artistes. Mais l'appel de l'art est trop fort pour Claude qui persuade Christine de rentrer à la capitale. Commence alors une bataille sans merci entre la femme et "l'autre", l'art.

A travers Claude Lantier, dont les traits ne manquent pas de rappeler l'ami de toujours de Zola, Cézanne, l'écrivain relate une réalité pour des artistes que l'on considère aujourd'hui comme des génies. Une vie de misère, de pauvreté, d'incompréhension, et de refus. Il en fut ainsi de Cézanne qui s'opposa fréquemment au Salon. La fin du XIXe siècle marque un tournant dans l'évolution de l'art, une époque qui hésite encore entre tradition académique et modernité. Zola s'est lui-même dépeint dans le personnage de Sandoz, le meilleur ami de Claude, l'écrivain réaliste, auquel il réserve toutefois un destin plus clément que celui du peintre.

L'Oeuvre, c'est aussi l'histoire d'un triangle amoureux impossible, entre une femme aimante, passionnée et dévouée à celui qu'elle aime, et cette peinture, qui obsède Claude, jour et nuit. A travers cette fresque essentielle, Zola pose ainsi la question récurrente de la nécessité d'une dévotion exclusive à l'art, un peu à la manière de ce peintre orientaliste Coriolis, celui du roman Manette Salomon des frères Goncourt, qui affirme clairement que l'artiste doit faire un choix, que toute son attention ne peut et ne doit se porter que sur l'art s'il entend réussir. L'amour et les femmes ne font ainsi que perturber l'attention et l'énergie toute entière qui doivent être rendues à l'art.

Q'en sera-t-il pour Claude? L'Oeuvre y répond. A quel prix? Celui de l'amitié entre Cézanne et Zola. Mais c'est une autre histoire.


Emile ZOLA, L'Oeuvre, Gallimard, coll. "Folio Classique, rééd. 2006, 492 pages, 4,28 €

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