30 septembre 2007

Une vieille maîtresse



Au panthéon des grands écrivains français, Barbey d'Aurevilly devrait y figurer en meilleure place. De lui, le grand public ne connaît guère ses ouvrages, et pourtant, Une vieille maîtresse, publié pour la première fois en 1851, rappelle que c'est certainement avec empressement qu'il faut découvrir ce grand maître de la littérature du XIXe siècle.

De nouveau, un triangle amoureux. Ryno de Marigny s'est épris, lors de ses jeunes années d'homme du monde, d'une étrange créature, la señora Vellini. C'est au cours d'un dîner chez l'un de ses amis que l'aristocrate parisien s'en entiche. Malagaise, fille naturelle d'un toréador et d'une duchesse espagnole, elle n'est pas belle. Loin s'en faut. Pourtant, elle attire et passionne. Elle envoûte Marigny. Début difficile, d'ailleurs. Le pauvre endurera un duel où il risque bien d'y perdre la vie. Puis, il l'arrache à son baronnet anglais de mari. Et une passion de dix années, à travers l'Europe, s'ensuivit, une passion effrénée, irraisonnée.

Mais aussi vite qu'elle s'est embrasée, elle se consumera. Les amants se détacheront et Marigny, après quelques aventures non sans dommages, fera la connaissance de cette si parfaite Hermangarde, digne représentante d'une noble famille. Il se détache ainsi de l'ensorcelante espagnole et épouse la jeune file, sous l'oeil bienveillant de sa grand-mère, la marquise de Flers, à laquelle il contera, dans veillée extraordinaire, cette longue passion qui le lia naguère. Mais de celle-ci, il est délicat de s'en défaire. Et jusqu'en Normandie, là où les deux époux s'installèrent, la señora Vellini, suivra son ancien amant, remémorant à son souvenir la brûlante liaison qui les unissait. La tendre naïveté d'Hermangarde sera rapidement mise à rude épreuve, et le bonheur que semblait connaître Marigny se délitera doucement, les doutes l'assaillant.

C'est assurément là du romantisme, dans la plus pure veine de cette seconde moitié du XIXe siècle. Un romantisme mâtiné d'une fougue formidable, exceptionnellement restituée par Barbey d'Aurevilly. La passion de l'amant et de sa vieille maîtresse est palpable, et la tristesse de la jeune épouse, si perceptible. Le cadre, cette Normandie rugueuse et de caractère, jouit d'admirables descriptions toutes balzaciennes. Au-delà, l'histoire est servie par une langue d'une délicatesse rarement égalée, où le dictionnaire est, à n'en pas douter, l'indispensable compagnon d'une telle lecture. Une vieille maîtresse est sans nul doute un grand moment de littérature, un de ces classiques un peu oubliés, mais qu'il faut pourtant revisiter. Mais, plus encore, c'est un véritable cours de littérature, à mettre entre toutes les mains, tant la qualité du français est remarquable.

A cette époque où tant de talents ont éclos, Barbey d'Aurevilly était assurément un écrivain de génie. Sa notoriété n'est pas à la hauteur de son talent. Pour cette raison, et tant d'autres, il faut le dire.


Jules BARBEY d'AUREVILLY, Une vieille maîtresse, Gallimard, coll. "Folio Classique", réed. 2007, 493 pages, 7,32 €

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